II. Innocence enfantine.
Les deux femmes parties, la salle redevient vite, jusqu'à un nouveau coup de sonnette retentisse.
C'est une petite fille qui pousse la porte timidement, suivie de sa maman, qui referme derrière elle. La petite est habillée entièrement de rose comme une poupée, et ses joues sont rosies par le froid. Elle s'assoit sur la première chaise qui vient à elle, et regarde l'ardoise en plastique qu'elle tient dans les mains. Sa maman soupire de soulagement : " Tu vois on va pouvoir faire les devoirs ". Elles se sourient. La maman a l'air épuisée. Cheveux courts, vêtements amples, elle n'est pas tellement féminine. Elle s'est habillée vite ce matin, ça se voit, elle est encore ébouriffée. La petite aussi est à peine coiffée, et ses boucles blondes, seul contraste avec ses vêtements, sont toutes emmêlées. Sa maman lui tend deux cahiers et des feutres pour écrire sur son ardoise, lui ouvre une page et lui dit d'apprendre les mots. Pendant ce temps, elle enlève son manteau et son écharpe, attrape un magazine sur la table et commence à le lire. Elle n'a pas tourné une page que la petite tire sur sa manche. "J'ai fini !" La maman pousse un soupir, et lui demande d'écrire tous les mots sur son ardoise. La petite s'exécute. De temps en temps, elle remonte ses lunettes sur son nez. Le feutre crisse un peu de temps en temps mais elle continue. Parfois elle tire la langue. Toute concentrée, autant que la mère, qui a réussi à lire une page. La fillette tire de nouveau la manche de sa maman et lui montre l'ardoise. Puis elle commence à lui expliquer. "Tu vois maman, ces deux-là c'est les mots difficiles, j'y arrive pas, il faut me les demander en dernier!" La maman acquiesce, sans comprendre. Elle vérifie rapidement puis sort un nouveau cahier. "On va lire l'heure ma chérie." Elle cherche une page, ouvre, et demande de lire. "Il y a deux aiguilles sur une pendule, la grande qui donne les heures et la petite qui donne les minutes." Elle bafouille par moments mais pour son âge elle lit bien. Puis sa maman lui explique que la journée commence à minuit. Elle demande de lire deux ou trois pendules, et de lui expliquer comment on fait pour compter.
La petite la regarde, et lui dit, pleine d'aplomb : "Mais Maman, je sais lire l'heure!" Elles se regardent et éclatent de rire.